une étoile au fond du coeur-10ème partie
Quelques mois avant la naissance , ils ont cherché des prénoms. Dès le début le « futur nouveau père » a bien fait savoir que pour celui-là, son fils, son « vrai » fils, pas de prénom juif hein ! mais comme en France on peut donner jusqu’à treize prénoms au même rejeton, elle est arrivée, à force de larmes, de cris, de menaces, de caresses à obtenir le droit de choisir le deuxième prénom.
Aout 1969. Lévy et sa famille ont décidé de visiter l’Europe et quatre jours sont prévus à Paris. Ils descendent chez elle et elle va enfin découvrir le visage de celui avec qui elle correspond depuis plus d’un an mais là, une sacrée surprise l’attend :il ne parle pas un mot de français alors qui écrivait les lettres ? c’est tout une histoie.
Lorsque sa première lettre à elle est arrivée à Ashdod, Lévy s’est précipité chez son meilleur ami pour qu’il la lui traduise en hébreu ; quand il a écrit sa réponse, le même ami l’a traduite en français et écrite pour lui. N’ayant jamais su qu’il y avait un intermédiaire, elle a toujours crû qu’il était francophone. L’anglais, elle l’a appris à l’école deux heures par semaine pendant trois ans et comme elle n’a jamais eu à l’utiliser elle a tout oublié sauf : « my tailor is rich, my tailor is not rich », mais cela ne sert pas beaucoup.
Pourtant, tout va bien se passer ; à la place des mots on fait des gestes et puis, quand on est heureux d’être ensemble, ça se lit dans les yeux. Ils ont visité Paris, elle, dans son huitième mois de grossesse ne les a pas suivis partout mais ils sont tous allés un soir aux Folies Bergères.
Le mari a été charmant pourtant « ça devait drôlement puer le juif dans cette maison à ce moment là ». C’est que, voyez-vous, ceux qui disent : »je ne suis pas raciste mais…. » sont des gens qui ignorent qu’ils le sont ; c’est un racisme à l’état larvaire qui, en temps de paix ne se manifeste jamais en face et puis quelqu’un n’a –t-il pas écrit que « tout le monde a SON bon juif » peut-être que le mari venait de trouver le sien. ?
On se quitte avec beaucup de peine, on s’écrira encore plus maintenant que l’on se connaît bien.
Alexandre, Samuel, Mathias, Ludovic dit « Bichon » est né par césarienne en ce mois de Septembre 1969 et c’est un petit monstre, comparé à son frère qui était au même âge si sage. Toutes les nuits pendant trois ans, il crie et si par hasard il oublie, sa mère se lève quand même croyant qu’il s’est étouffé. Il ne finit pas ses biberons, donc allées et venues incessantes chez le Docteur ; dès qu’il le peut, il se traine à quatre pattes et touche à tout ; il sait déjà enlever les cache-prises et comme il voit tout, il sait où sont les couteaux, les ciseaux et les allumettes, alors dans ces conditions, elle n’a pas beaucoup de temps à consacrer à l’ainé qui s’enfonce encore un peu plus dans son monde chaotique.
Et puis, il y a eu le problème de la circoncision apparemment insoluble mais là aussi elle a gagné car son mari est circoncis à la suite d’un phimosis (étroitesse du prépuce qui empêche de découvir le gland) ; il a subit cette opération à l’age de sept ans et se souvient encore combien c’était douloureux alors, elle explique que cela pourrait aussi arriver à « Bichon » ; pourquoi ne pas le faire opérer médicalement dès son plus jeune âge, ainsi il ne se souviendra pas de la douleur et le bon père accepte.
Elle connaît déjà Danielle qui travaille dans le laboratoire près de chez elle, alors elle s’adresse à elle : « donne- moi l’adresse d’un chirurgien juif, je sais que cela n’a aucune signification religieuse mais si D-ieu me regarde, il saura que j’ai fait ce que j’ai pu. » Le médecin est facile à trouver et en plus, il opère dans la clinique qui se trouve à cent mètres de chez elle, là encore le mari n’y verra que du feu.
Le jour de l’opération, pendant qu’elle est encore à la maison, seule, elle adresse à D-ieu une prière de sa composition ignorant ce que le « Mohel » peut bien dire en pareille circonstance :
« Mon D-ieu, bénissez la circoncision de mon fils Samuel et acceptez ma décision comme un acte d’amour et de respect envers vous.Je sais que vous existez, je vous sens en moi mais souvent aussi je vous oublie et vous en demande pardon. Ne m’abandonnez pas et protégez mes enfants ».
