Une agriculture végétalienne, mais laquelle ?
Encore marginale dans le monde et quasi inexistante en France, l’agriculture végétale n’a même pas encore de nom officiel chez nous. Végéculture, agriculture biovégétalienne, agriculture véganique sont les noms qu’on entend le plus souvent dans le milieu francophone.
Mais alors de quoi s’agit-il ? Pourquoi aurait-on besoin d’une nouvelle « catégorie » ou d’un autre label ? La raison principale est simple : l’agriculture bio, biodynamique ou conventionnelle n’est pas végétalienne ou vegan. Pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui les principaux amendements organiques utilisés sont les fumiers, lisiers ou les composts de fumiers ainsi que les déchets ou sous-produits des abattoirs (sang séché, plumes, os etc.) donc issus de l’élevage et de l’exploitation animale. Et cela concerne la plupart des végétaux que nous achetons : céréales, farines, légumineuses brutes ou transformées, légumes, fruits…Mais alors, qu’est-ce que c’est vraiment qu’une agriculture vegan/végétalienne ?
Tout d’abord revenons aux fondamentaux. Je vais essayer de résumer brièvement le fonctionnement d’un écosystème. Ça va sembler caricatural pour les spécialistes, mais pourtant il est important pour le lecteur de comprendre les mécanismes de base de notre merveilleuse nature.
Lorsque les conditions météorologiques (grosso modo la température et l’humidité) etpédologiques (le sol) le permettent sur une zone géographique donnée, il se met en place naturellement et progressivement en quelques dizaines d’années un climax, c’est à dire « l’état final et stable d’un système écologique. Lorsque cet état est atteint, l’énergie et les ressources ne servent qu’à maintenir cet état. »
Concrètement, prenons l’exemple du climax qui se met en place sous notre climat continental. Imaginons un sol nu, les graines en dormance dans celui-ci se retrouvent dans de bonnes conditions de température et une petite pluie arrose abondamment le sol. Elles sortent alors de dormance puis commencent à coloniser la surface de ce sol. Ce sont les premiers végétaux, lesplantes annuelles souvent de petites hauteurs qui vont commencer le travail. Leurs racines vont progressivement s’enfoncer dans le sol et ainsi l’aérer. L’oxygène et l’eau vont pouvoir y pénétrer plus facilement et ainsi favoriser la vie biologique du sol. Car le sol est VIVANT, il est composé d’un nombre de bactéries, de micro-organismes et d’insectes quasi incalculable. Ce sont eux qui, finalement font le gros du travail. Leur importance, leurs actions et inter-actions ne sont pas reconnues depuis si longtemps. Auparavant, le sol n’était considéré que comme un support, un substrat inerte… Tout ce petit monde invisible a donc un rôle primordial pour le reste de notre histoire. En effet, lorsque les premières annuelles arrivent en fin de vie, ce sont elles nos fameuses petites bêtes qui vont décomposer, déchiqueter et digérer toute cette matière végétale. La deuxième étape, c’est l’arrivée des plantes bisannuelles, avec le même processus vie-mort-digestion. Parallèlement, les petits animaux aussi commencent à coloniser les lieux. Ils se nourrissent souvent de ces premières plantes, de leurs graines et des insectes qui sont arrivés en forces également.
Ensuite, des plantes moins « accueillantes » s’emparent de la place, ce sont les ronces et autresépineux, mais là encore elles ont un rôle prépondérant. Elles permettent aux premiersarbustes puis aux arbres de pousser sous leur couvert sans être dévorés par les herbivores un peu trop gourmands. Puis ils poussent jusqu’à dépasser les épineux et finir par être assez gros pour ne plus craindre les gourmands. Petit à petit les épineux disparaissent et c’est la forêt primaire avec une très grande diversité végétale et animale qui année après année se met en place. La colonisation a lieu à l’horizontal mais aussi à la verticale sur différents étages (en permaculture, on en compte généralement sept). Et tout ce petit monde vit en totale symbiose. Les plantes nourrissent les herbivores qui nourrissent les carnivores. Les charognards, les insectes et les micro-organismes du sol s’occupent de faire disparaître les plantes et animaux morts. Le sol ainsi rassasié peut ensuite nourrir les plantes et la boucle est bouclée.
Tout était idyllique jusqu’à ce que l’homme arrive dans l’histoire. Au début, ce n’était pas bien grave, nous étions si peu nombreux que la cueillette, la chasse et le nomadisme nous suffisaient. Mais l’accroissement de notre population et la « découverte » de l’agriculture (et bien d’autres facteurs encore) nous ont obligés à nous sédentariser. Plutôt que de chasser les animaux sauvages, il était devenu plus commode de les apprivoiser et de les garder près de soi ; ainsi était né l’élevage. Dans les régions comme les nôtres, il a donc fallu trouver des méthodes d’élevage et concevoir un modèle agricole cohérent. Les animaux pouvaient difficilement rester dans les pâtures durant l’hiver, leur concentration dégradant trop fortement les terrains, on a alors commencé à les garder dans des étables, en paillant leur litière. Ce fumier fut ensuite utilisé comme fertilisant pour les champs afin de produire l’alimentation végétale des hommes et des animaux. Un équilibre s’est mis en place au fil des millénaires jusqu’à façonner les paysages agro-sylvo-pastoraux qui ont perduré jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale. L’agriculture intensive et le remembrement ont anéanti une grosse partie de ces paysages en moins de 50 ans.
C’est évidemment, je le répète, très synthétique, mais cette petite histoire permet de remettre un peu les choses dans leur contexte. La majorité des gens pense en effet que l’élevage et notamment le fumier animal sont indispensables pour faire pousser des végétaux, que ce soit des céréales ou des légumes. Pourtant la nature n’a pas attendu l’élevage pour produire l’abondance que l’on peut trouver dans la forêt vierge par exemple.
Revenons à nos moutons (sans mauvais jeux de mot). Le fumier n’est donc pas indispensablebien qu’il soit effectivement un engrais très efficace. Pour fonctionner sainement, la vie biologique du sol a besoin d’être nourrie. L’idée principale de l’agriculture végétalienne, c’est donc de nourrir ce sol avec des alternatives aux fumiers et autres sangs desséchés, poudres d’os, cornes de bœuf, plumes de volailles, sabots de mammifères… un panel large s’offre à nous :
- mettre en place des couverts végétaux vivants ou morts ne laissant jamais la terre à nue
- laisser les résidus de culture sur place
- éviter le travail du sol pour préserver sa vie bactérienne
- pratiquer des rotations régulières et diversifiées des cultures
- utiliser l’agroforesterie qui apporte de nombreux bénéfices (BRF, feuilles d’automne, racines remontant les minéraux, protection des sols contre l’érosion, nourriture, bois d’œuvre et de chauffage, faune sauvage variée)
- diversifier les espèces végétales au maximum comme le fait la nature.
A tout cela s’ajoute tous les « déchets » (le caca pour ceux qui ne l’auraient pas compris) de la faune sauvage (les insectes, les oiseaux, les petits et gros mammifères) qui à eux seuls apportent une quantité non négligeable d’azote au sol pour peu qu’on essaye de favoriser leur présence par différents dispositifs.
Vous l’aurez compris, encore une fois c’est la notion d’inter-dépendance, cette grande idée (qui n’a pourtant rien de nouveau quand on s’intéresse à l’enseignement de Bouddha par exemple) redécouverte par la physique quantique au XXème siècle qui nous permet d’appréhender une autre approche de l’agriculture. Il est en effet difficile de sortir un élément de son contexte pour l’étudier, car il a un intérêt seulement s’il est en lien avec d’autres facteurs. L’agriculture végétalienne peut donc être viable si on l’appréhende de façon holistique.
Pour finir, une petite réflexion pour relativiser la viabilité des systèmes avec intrants animaux. Saviez-vous qu’en agriculture biologique, l’utilisation de composts de fumiers issus des élevages conventionnels était autorisée et même assez courante (bien qu’il ne soit pas évident d’avoir des chiffres précis) ? En effet, les élevages bios souvent extensifs et donc peu producteurs de fumiers utilisent globalement leurs propres fumiers afin de fertiliser les champs qui produiront les céréales pour leurs animaux (système fourrager autonome). Il n’en reste ainsi plus assez pour fournir la demande par exemple des maraîchers bios. Ceux-ci doivent donc se fournir auprès de l’agriculture conventionnelle. Finalement une agriculture végétalienne nous assure au moins de limiter les souffrances animales de manière directe ou indirecte.
Les pays anglo-saxons sont comme souvent sur la question animale plus en avance que nous. En Angleterre par exemple existe le Vegan Organic Network, un réseau/label qui certifie une agriculture biovégétalienne. Pour les anglophones, voici leur site http://veganorganic.net/
Le même réseau existe en Amérique du nord : http://goveganic.net (en haut à droite, vous pouvez mettre le site en Français), de nombreux articles intéressants sont disponibles.
Alors et chez nous en France, à quand un réseau pareil ? Pour entamer la réflexion, n’hésitez pas à participer financièrement (ou autre) à notre projet. Peut-être que ce sera la première pierre d’un bel et grand édifice… Page Crowdfunding pour l’escargot tranquille
pour finir, je vous propose un extrait du documentaire « Making the connection« . Il s’agit de la partie consacrée à l’agriculture véganique. Elle est en anglais mais vous pouvez activer les sous-titres FR dans la vidéo (en bas à droite) :
La suite ici : http://lescargot-tranquille.eklablog.com/une-agriculture-vegetalienne-mais-laquelle-a120858912
Vous pouvez laisser une réponse.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.