la confiture, denrée de luxe.
Confitures (Les) : une denrée de luxe
devenue populaire en quelques siècles
(D’après « Le Petit Journal illustré », paru en 1920)
La confiture, qui est aujourd’hui le dessert populaire par excellence, écrit en 1920 le chroniqueur Ernest Laut, était autrefois un mets de luxe, le sucre étant cher : on n’en mangeait pas une once par an, car on eût considéré comme pure folie d’employer cette denrée précieuse à la conservation des fruits qui n’avaient aucune valeur marchande.
Si dans les pays de vignobles on mangeait du raisiné, si dans les villes on pouvait trouver, chez le confiseur et à des prix abordables, quelques confiseries au miel, les pâtes de fruits au sucre de canne étaient coûteuses. Rabelais, en son quatrième livre de Pantagruel, qui fut écrit vers 1550, parle des confitures.
C’est apparemment le premier de nos grands auteurs qui leur fasse cet honneur. Pantagruel, visitant l’île des Papimanes, et devisant de bonne chère, déclare que l’abondance des « confitures » sur une bonne table lui apparaît comme le complément indispensable d’un repas « resjouy ».
Et si l’hygiéniste averti qu’est Rabelais fait dire à son héros que les fruits cuits « en casserons, par quartiers, avec un peu de vin et de sucre, sont viande très salubre, tant ès malades comme ès sains ». Malheureusement, à l’époque où écrit Rabelais, cette « viande très salubre » n’est pas à la portée de toutes les bourses. Pantagruel est un grand seigneur bon vivant qui peut souffrir les plus coûteuses fantaisies ; mais les bourgeois, même aisés, ne mangent de fruits confits au sucre que dans les grandes occasions. Le saccharumne se vend que chez l’apothicaire ; c’est assez dire qu’il se vend très cher. Ce n’est pas un aliment ; ce n’est pas même un condiment ; c’est un médicament.
Cent ans après Rabelais, le sucre commença seulement à entrer dans l’alimentation ; mais il demeura très coûteux, attendu qu’il fallait le faire venir des Indes occidentales. Et la confiture ne devint un mets bourgeois et familial qu’au début du XIXe siècle, après que benjamin Delessert eut trouvé, avec l’encouragement de l’empereur, l’art d’extraire le sucre de la betterave.
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