conte et légendes du monde entier
La vieille femme et l’araignée (conte amérindien)
La vieille femme cousait dans la lumière magique qui pénétrait son wigwam.
Elle travaillait avec art et précision des vêtements chauds.
C’était l’été des Indiens et bientôt l’hiver serait là, aussi aigu que les pointes
acérées du porc-épic.
Elle aimait son travail. Et du plus lointain de ses souvenirs, Bouquet de
Perles Etincelantes se voyait s’activant de son mieux, avec toujours le
même plaisir, comme sa mère et ses tantes le lui avaient appris.
Elle s’occupait du bois et de l’eau, en hiver. Elle savait tanner les peaux
de bison, en préparer la viande afin de régaler toute la famille.
A six ans, elle aidait les femmes dans les travaux du ménage.
A dix ans, elle montait à cheval comme le meilleur des guerriers et
sillonnait la plaine avec fougue.
Puis à quatorze ans, elle est devenue une vraie femme : son père l’a
mariée à Feu du Tonnerre et le temps a passé vite, très vite.
A présent, elle était une vieille femme mais les années avaient glissé
sur elle, sans entamer sa force, ni sa joie de vivre.
Quand elle riait des facéties du dernier de ses petits-fils, sa bouche
révélait l’absence de quelques dents.
Mais elle était toujours belle.
Sa peau, aussi tannée que la peau du bison, avait la couleur du soleil
couchant. La prunelle de ses yeux rayonnait du même éclat juvénile
d’autrefois et quand elle marchait, c’était d’un pas majestueux, que le
poids des ans n’entravait pas.
La tribu aimait à raconter que c’était une sage qui avait la force de l’ours
et qui avait reçu la protection du loup blanc, à son berceau.
Bouquet de Perles cousait dans le cocon que formait le cercle du wigwam.
Et tout en travaillant, elle songeait à son rêve de la nuit dernière…
Elle avait rêvé d’un bébé rieur qui gigotait sur une immense fourrure,
moelleuse et parfumée, au milieu des herbes jaunes. Ses petits pieds et
ses minuscules mains dorées s’agitaient, se balançaient pour suivre les
frémissements légers du vent.
Il était seul, sans inquiétude. Ses yeux suivaient le vol d’un oiseau puis il
éclatait de rire à chaque bruissement de feuilles des blancs bouleaux.
L’enfant comprenait le langage des arbres et du monde végétal qui l’entourait.
La terre était sa mère, le ciel son père.
Puis, le paysage s’assombrit en un instant. Une ombre grise recouvrit
l’enfant qui cessa de rire. Le vent se fit violent et la neige recouvrit aussitôt
plaines et bois.
Bouquet de Perles ne voyait plus le bébé à présent mais elle l’entendit
crier et ce sont ses pleurs qui l’ont réveillée, toute suffocante.
Quel message son rêve voulait-il lui adresser ? La vieille indienne l’ignorait.
Bouquet de Perles Etincelantes cousait, respectueuse des traditions
ancestrales dans le wigwam à l’odeur d’armoise. Les femmes avaient
récemment allumé des feux de bois pour imprégner la couverture qui
servait à la fabrication de la tente afin qu’elle garde sa souplesse, après
les pluies.
Bouquet de Perles songeait.
C’est alors qu’elle entendit des lamentations, dans un coin de son logis.
La vieille indienne interrompit son ouvrage et demanda :
- Qui pleure ? …
- C’est moi, grand-mère, dit une petite voix.
La femme leva les yeux et aperçut une minuscule araignée, au creux de
sa toile.
- Pourquoi pleures-tu ? demanda-t-elle avec inquiétude.
- Je pleure parce que personne ne m’aime. Les hommes ont peur de me
voir et disent que je suis inutile, sur cette terre. Chacun a son rôle à tenir,
et pas moi !
Bouquet de Perles se leva et regarda attentivement le minuscule et fragile
animal. Elle ressentit une immense peine pour la malheureuse.
- Je ne sais comment t’aider, ni te consoler.
Et tout en lui parlant, la réconfortant par la musique de ses paroles, la
vieille indienne laissa son regard se promener sur la toile arachnéenne.
L’araignée avait tissé un ouvrage d’une grande perfection ! Beaucoup de
squaws auraient aimé pouvoir s’enorgueillir d’un tel chef-d’œuvre. Un vrai
bijou que la lumière du soleil faisait étinceler.
Elle en admira la finesse et la légèreté aérienne. La grâce du travail était
digne des broderies et décorations de toutes les femmes du village
rassemblées.
C’est alors que Bouquet de Perles se souvint de son rêve de la nuit
précédente, aux pleurs du bébé.
- Je crois que je peux faire quelque chose pour toi, si le Grand Esprit y
consent. Dorénavant, quand tu tisseras ta toile au-dessus de l’endroit où
les enfants dorment, les mauvais rêves seront capturés à l’intérieur. Au
petit matin, ils seront détruits par le soleil. Seuls les bons rêves peupleront
les songes de nos petits.
Et comme la vieille indienne était une sage, à partir de ce jour, les
araignées eurent leur place sur cette terre, comme tous les animaux.
Elles furent les gardiennes du sommeil des enfants attirant leur proie
sans aucune pitié pour les livrer au soleil, aux premières lueurs de l’aube.
Bouquet de Perles Etincelantes cousait paisiblement dans la chaleur de
son wigwam, près du feu.
L’été des Indiens était terminé à présent. Les grands froids gelaient les
lacs qui miroitaient au soleil. Parfois, elle pensait au bébé de son rêve
qui ne pleurait plus et jouait avec le vent. Alors elle posait son ouvrage
et souriait.
http://www.lirecreer.org/biblio/contes/contes_indiens/vieille_femme_et_l_araignee/index.html
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