La cause littéraire : Eustache Deschamps
Passons un peu en notre XIVème siècle, se doulz y faiz ! Voici ce soir l’ami Eustache Deschamps qui nous dict la misère de vieillir. Bele noyt dulz amis !
Je deviens courbes et bossu,
J’ois très dur, ma vie décline,
Je perds mes cheveux par dessus,
Je flue en chacune narine,
J’ai grand douleur en la poitrine,
Mes membres sens jà tous trembler,
Je suis très hâtif à parler,
Impatient ; Dédain me mord ;
Sans conduit ne sais mais aller :
Ce sont les signes de la mort.
Convoiteux suis, blanc et chenu,
Échard, courrouceux ; j’adevine
Ce qui n’est pas, et loue plus
Le temps passé que la doctrine
Du temps présent ; mon corps se mine ;
Je vois envis rire et jouer,
J’ai grand plaisir à grommeler,
Car le temps passé me remord ;
Toujours veuil jeunesse blâmer :
Ce sont les signes de la mort.
Mes dents sont longs, faibles, aigus,
Jaunes, flairant comme sentine ;
Tous mes corps est froids devenus,
Maigres et secs ; par médecine
Vivre me faut ; chair ni cuisine
Ne puis qu’à grand peine avaler ;
Des jeünes me faut baller,
Mon corps toudis sommeille ou dort,
Et ne veuil que boire et humer :
Ce sont les signes de la mort.
Prince, encor je veuil ci ajouter
Soixante ans, pour mieux conforter
Ma vieillesse qui me nuit fort,
Quand ceux qui me doivent aimer
Me souhaitent jà outre mer :
Ce sont les signes de la mort.
Eustache Deschamps (1340-1405)
Eustache Deschamps (né vers 1340 à Vertus en Champagne1 - mort entre le 21 juin 1404 et le début de l’année 1405), de son vrai nom Eustache Morel, est un poète français, qui a notamment contribué à fixer le genre de la ballade et a écrit le premier art poétique en français.
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