PREMONITION
Etienne s’est levé de bonne heure ne voulant pas être en retard à son travail. La veille, un nouveau directeur est arrivé et a été présenté à tous les employés. Ce qui ressort de cette première rencontre, c’est que le nouveau patron n’a pas l’air bien sympathique, d’ailleurs son discours a été des plus brefs mais pourtant chacun a senti ici et là comme des menaces à peine voilées.
Bien rasé, bien lavé, bien peigné, il pénètre dans la cuisine afin de se préparer son petit déjeuner sans lequel il n’est que la moitié d’un homme et c’est alors que le drame arrive.
Une odeur étrange lui envahit les narines, des martèlements lui vrillent le cerveau, des voix étranges parlent une langue qu’il ne connait pas, et semblent lui donner des ordres qu’il ne comprend pas. Il essaye de parler mais aucun son ne sort de sa gorge, il veut se déplacer, quitter cette cuisine inhospitalière mais il reste cloué sur place incapable de faire le moindre mouvement.
Les voix se font plus pressantes et semblent crier maintenant et il donnerait n’importe quoi pour exécuter les ordres qui lui sont hurlés et sortir de cette situation inexplicable.
Son cerveau lui, continue à fonctionner et il se dit qu’un sort lui a été jeté pour une faute commise mais laquelle ? Il a beau réfléchir, il ne trouve pas.
Oui bien sur il y avait bien cet argent qu’il avait emprunté à un de ses amis et qu’il n’avait toujours pas rendu, et puis ce petit mensonge grâce auquel il avait eu une promotion au détriment d’un de son collègue Mathieu, mais ceci valait- il de se trouver dans une telle situation ?
Les voix sont devenues maintenant menaçantes et même s’il ne comprend toujours pas ce qu’on lui demande il sent qu’elles ont un rapport avec son examen de conscience et qu’elles ne le laisseront pas tranquille tant qu’il n’aura pas passer en revue toutes ses mauvaises actions.
Tout à coup les voix s’éteignent, les martèlements disparaissent, le calme revient et il se retrouve hagard et hébété. Son regard accroche le réveil, il n’a plus que quelques minutes s’il veut attraper son autobus, alors le ventre vide il dévale les escaliers et se retrouve dans la rue. L’arrêt se trouve à quelques mètres de son domicile, voila le bus ! Il grimpe dedans, paie sa place et s’assoit espérant retrouver un peu de calme avant d’arriver au bureau.
Perdu dans ses pensées il réalise tout à coup que le bus emprunte un chemin qu’il ne connaît pas. S’est il trompé de numéro ? non c’est impossible il cherche des yeux le contrôleur qui semble avoir disparu et le chauffeur aussi d’ailleurs car sa place est vide, l’engin se dirige seul vers…. un lieu inconnu.
Dans la rue, des gens vont et viennent mais il ne reconnaît aucune des personnes qu’il a l’habitude de croiser, d’ailleurs nul n’est monté dans le bus depuis qu’il s’y trouve et pour cause, il ne s’est arrêté nulle part.
Enfin après un temps indéfinissable, il se retrouve devant l’immeuble qui abrite son bureau et grimpe quatre à quatre les quelques marches qui le séparent de son lieu de travail.
Ses collègues sont déjà à leur poste et c’est tout juste s’ils lèvent les yeux à son arrivée alors que d’habitude ils le saluent gaiement. Installé devant son ordinateur il n’arrive pas à se concentrer sur son travail, ses doigts courent machinalement sur son clavier, des chiffres et des tableaux de toutes sortes apparaissent sur son écran mais il ne comprend pas ce qu’il doit en faire, il ne sait plus en quoi consiste son travail, il est perdu.
La journée a été très longue mais enfin il est dehors. Non il ne rentrera pas en bus, il va marcher, s’aérer un peu, remettre de l’ordre dans ses idées et puis, il doit bien se l’avouer il craint de se retrouver dans son appartement et même s’il sait que c’est ridicule, il redoute de retrouver les voix et les martèlements du matin et si cela arrivait, que ferait-il alors ?
Des voix lui parviennent on le secoue, on lui parle on lui demande d’ouvrir les yeux ; il voudrait bien mais il ne peut pas, il est comme attiré par les images qui il y a un instant composaient son monde, images qui s’estompent et disparaissent, le laissant hébété dans un tunnel obscur.
Une fois encore on s’affaire autour de lui, on l’ausculte, des voix d’homme donnent des ordres ; confusément il croit comprendre qu’il est dans un hôpital mais qu’y fait-il ? Comment est-il arrivé là ? A-t-il eu un accident ? bien sur que non puisqu’il y a encore quelques instants il était dans la rue. De plus il a l’impression d’être ligoté, entravé dans ses mouvements, il veut bouger mais n’y arrive pas. Dans un effort désespéré, il a pu dégager son bras, il faut qu’il se lève, il faut qu’il s’échappe de ce lieu maudit où il n’a rien à faire.
Son corps à fait un bruit sourd en arrivant au sol, il a ouvert les yeux, il regarde autour de lui, reconnaît sa chambre, son lit mais alors tout ceci n’était qu’un rêve ? Quel jour sommes-nous ? Quelle heure est-il ? C’est aujourd’hui que sera annoncée officiellement sa promotion, il ne peut pas rater cela !
Dans la cuisine qui fleure bon le café tout frais, il prépare ses toasts qui, pour la circonstance seront bien beurrés, pour une fois, pas de régime. Rasé de près, il porte le costume des grandes occasions, se regarde dans le miroir et content de lui, il se dirige vers l’entrée, au passage attrape son pardessus, un dernier regard dans la psyché et le voilà dehors.
Le temps semble de la fête puisqu’un doux soleil a fait son apparition, les oiseaux chantent dans les arbres qui bordent l’avenue, l’autobus arrive, il n’est qu’à moitié plein, les passagers lui sourient, certaines femmes lancent même un regard admirateur dans sa direction, aujourd’hui, c’est vraiment « son » jour.
Au bureau, les secrétaires se sont surpassées et ont dressé de jolies tables nappées de blanc, un chemin de fleurs les partage en deux et sont placés ici et là des assiettes dans lesquels les amuse-gueules attendent d’être dégustés. Ses collègues le reçoivent avec un grand sourire, tout est en place, la fête pourra commencer dès que le nouveau directeur apparaitra.
Le responsable a fait sont entrée et aujourd’hui il est tout sourire, Etienne a même l’impression que ceux-ci s’adressent en particulier à lui.
« A peine arrivé parmi vous, j’ai l’agréable mission d’annoncer la promotion de l’un d’entre vous, qui par son travail accompli avec zèle et intelligence, à montré ses capacités à gravir les échelons qui, s’il continue sur sa lancée, le conduiront à de très hautes fonctions dans notre société. Je ne vous ferai pas languir plus longtemps et je vous donne sans tarder le nom de l’heureux élu : MATHIEU ? nommé ce jour au poste de…….
Le bruit d’un corps qui tombe a fait se retourner toute l’assemblée, Etienne est à terre, il ouvre la bouche, veut parler et dans l’ambulance qui le transporte de toute urgence à l’hôpital le plus proche on peut l’entendre murmurer : Je ne m’appelle pas Mathieu, je suis Etienne celui qui………
Autour de lui on s’active, on l‘interpelle, on lui demande d’ouvrir les yeux mais à ce stade il sait que tout retour est impossible ; il est comme attiré vers la lumière qui brille au bout du tunnel dans lequel il se trouve, et il s’enfonce lentement dans une atmosphère cotonneuse. Lui parvient encore un tout petit bruit, qui finit par cesser, l’électrocardiogramme est plat. Etienne est parti pour l’endroit dont on ne revient jamais.
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