une étoile au fond du coeur-2ème partie
Si elle est comme ça ce n’est pas de sa faute mais celle de ses parents. Non ! non ! non ! ce ne sont pas des métèques, au contraire, ils sont français à 100/100, de génération en génération, et fiers de le crier sur tous les toits ( du moins jusqu’en 1984 parce que après….), sa mère est normande, son père angevin. Le problème vient du fait que les deux adultes, non seulement ne lui parlaient pas,mais ne se parlaient pas non plus entre eux.
Imaginez que si la petite fille qu’elle était à l’époque, les avait entendus se disputer, s’expliquer, parler des ritals, des boches et des youpins, c’est autant de clichés qui, enracinés profondément dans son cerveau, auraient refait surface plus tard, comme étant ses idées personnelles.
N’ayant rien entendu, elle n’a rien su. Comme tous les enfants du monde, elle a posé mille questions auxquelles on a répondu « tu sauras ça plus tard » ou pas répondu du tout, alors, elle a cessé de questionner à voix haute et pour oublier le désert dans lequel elle vivait, elle a, dès l’age de 7 ans, créé son propre monde imaginaire dans lequel tout n’était qu’amour et beauté.
Le soir, quand elle allait se coucher elle révait d’une famille immense habitant aux quatre coins du monde et recevait d’elle des cartes postales l’invitant, tantôt en Norvège pour Pâques, au Tibet pour Noêl et chez les esquimaux pour les grandes vacances et bien sûr, la famille s’agrandissait au fur et à mesure qu’elle apprenait la géographie. Elle a ainsi traversé le monde, de part en part, en train, car bateau et avion, lui étaient inconnus, et ses yeux ne se fermaient que sur la dernière image, toujours la même, et toujours aussi belle : arrivée à destination, les membres de la famille l’ayant invitée l’attendaient sur le quai et lui tendaient les bras en disant : enfin, te voilà !
Etant donné que durant de nombreuses années, ses grands-parents, oncles, tantes, neveux et cousines, étaient tour à tour, soit des vieux chinois aux yeux bridés, soit de grandes négresses aux cheveux crépus, avec ça et là, des cousines aux grandes tresses blondes et au costumes folkloriques, comment aurait-elle pu devenir raciste, puisque la seule famille qui l’aimait durant ses années de sevrage, était à ce point cosmopolite.
Complètement déconnectée de la réalité, elle va traverser enfance et adolescence dans un brouillard complet. A l’école, il n’y a pas trop à se plaindre, assise très souvent à côté du poêle, elle ,n’a pas beaucoup souffert du froid.
Sa mère est une femme laborieuse, triste et sévère et pour des riens elle lui donne des claques qui font très mal, pas tellement à l’aller mais au retour car elle a une bague qui lui écorche la joue, mais elle commence à détester ces grandes personnes qui sont si injustes et ne savent pas aimer les petits enfants.
Avec papa, les choses sont un peu différentes, elle ne le voit pas souvent car cuisinier dans un restaurant de Pigalle, il rentre tard dans la nuit alors qu’elle dors, mais une fois par semaine, le jour où elle n’a pas classe, papa a son jour de congé et il l’emmène sur les grands boulevards ; un cinoche, toujours au même endroit, ensuite il achète de la barbe à papa et avant de rentrer au bercail, s’installe dans un café, sirote un ricard et elle, sa menthe à l’eau.
Une seule chose l’étonne : très souvent une dame marche à côté de son papa lorsqu’on sort du ciné ; pourtant ils étaient seuls quand ils étaient entrés dans la salle de spectacle ; et puis, cette dame n’est jamais la même. Elle reste avec eux jusqu’à la barbe à papa et disparaît comme elle est venue. Elle oublie l’incident, puis elle s’y habitue.