une étoile au fond du coeur-14ème partie
Quatre mois plus tard, remise sur « pied », elle trouve un autre emploi comme chef du service documentation. Il s’agit de remplacer Madame Chenut qui part à la retraite et qui, comme Madame Colbert de la M.I.T., a dirigé le service de main de maitre, dans sa cage de verre (comme Kouakou le caissier) elle règne sur son petit monde qui se compose de deux dactylos et qui, à part respirer, n’ont pas le droit de faire grand chose d’autre que de baisser le nez sur le clavier de leur machine à écrire et de taper des devis toute la journée.
Tout dans cette société respire la tristesse. Deux grands pontes régissent ce petit monde : le D.G. Hector, petit, cheveux rares et gras, dents jaunes et mal rangées, habillé de pantalons qui trainent par terre afin de dissimuler les hauts talons fixés à ses chaussures pour gagner quelques centimètres et affublé en permanence de sa secrétaire, vierge constipée, qui le suit comme un petit chien , et le Directeur Technique Monsieur Alain, très grand, très mince très moustachu et barbu, très pressé (comme l’était Gourde) et au moins aussi con que le D.G.
Elle remarque que tous les employés, de la téléphoniste en passant par les représentants pour finir par le comptable, rasent les murs dans les couloirs et se courbent bien bas, s’ils rencontrent un des directeurs, chacun tremble pour son poste, car le chomage commence à s’installer confortablement.
Ayant déjà gouté à ce genre de compagnie, elle préfère rester au bureau avec ses filles pendant la pose déjeuner, ou encore va manger un sandwich avec elles au tabac du coin, ce qui a déclanché la colère de la direction qui pense qu’on ne mélange pas les torchons avec les serviettes ; bien que prévenue par un collègue que sa « mésalliance » est mal perçue, elle continue, très triste de constater que les « petits blancs » existent aussi en France.
Hector veut tester la nouvelle qu’il a déjà dans le colimateur et la convoque dans son bureau :
« Madame, votre bureau (cage de verre) est situé juste à côté de la porte d’entrée et de ce fait, vous voyez parfaitement les entrées et sorties de chacun et aussi les retardataires. Ici, il n’y a pas de pointeuse, ce qui ne veut pas dire qu’il ne doit pas y avoir de discipline aussi, je vous demande de bien vouloir me signaler les allées et venues inutiles ainsi que les retards.
Eh ben merde alors ! A Levallois-Perret il y a aussi des « cafards »et c’est sur elle que ça tombe. Bien sûr qu’elle ne va pas s’abaisser à cafter, mais comme il faut bien faire quelque chose, elle attirera l’attention des amateurs de la porte de sortie, leur disant que par les temps qui courent, il serait peut-être bon de faire attention……
Hector n’est pas très patient, c’est pour cela qu’au bout de quelques jours et ne la voyant pas revenir au rapport, il a sorti de son coffre « son » petit carnet rouge et à la page qui lui est réservé il écrit : n’obéit pas aux ordres reçus.
C’est alors qu’Alain va rivaliser de connerie avec son accolyte : Déboulant dans son bureau, il lui demande de bien vouloir lui dactylographier, sur des bandes prévues à cet effet, le nom des clients pour qu’il puisse les classer dans des dossiers suspendus, dans son armoire.
A peine sorti du bureau, entre Hervé, un gentil représentant qui vient lui demander le même travail, pour des dossiers différents et il ajoute :
« Si vous pouviez le faire rapidement, je pars pour trois jours en déplacement et je voudrais classer mes dossiers avant.
Qu’a cela ne tienne ! et elle s’attelle à sa nouvelle tâche et remet les bandelettes à l’intéressé.
Ce qu’elle ne savait pas la pauvrette, c’est que les dossiers d’Hervé se trouvent, eux aussi, dans l’amoire d’Alain ; quand ce dernier voit qu’un inférieur classe ses documents avant lui, il bondit :
« qui vous a tapé les bandelettes ?
« Ben, la nouvelle.
« Quand lui avez-vous donné le travail à faire ?
« Ben, il y a cinq minutes
Là, s’en est trop ! il arrive dans le local de l’impertinente :
« Pourquoi avez-vous fait le travail d’Hervé avant celui que je vous avais donné ?
« Il part dans une demi-heure et il était pressé.
« et moi, je ne le suis pas ? Vous n’avez aucun respect de la préséance ! pourquoi n’avez-vous pas commencé par ma demande ?
Et elle s’entend répondre :
« Parce qu’il me l’a demandé gentiment.
« Ah bon ! maintenant il faut être gentil pour obtenir quelque chose dans ce bureau ?
« Ben, ça aide .
Les deux dactylos ont, comme dans le temps de Chenut, baissé le nez sur leur clavier et tapent à toute vitesse.
Alain a dû aller se plaindre à Hector qui aura, bien sûr, ressorti son petit carnet rouge pour indiquer, à la page qui, décidément se remplit très vite : « ne respecte pas la Hiérarchie. »
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