les aventures d’une vieille carcasse – 47 ème partie
Mr Ouphouet Boigny. Président de la République de Côte d’Ivoire.
…. Le directeur de la Main d’oeuvre revient dans son bureau, s’asseoit puis me regarde intensément. : « dites-moi Madame, y a t il un certain Etienne dans la Société dans laquelle vous travaillez encore ? , -« Oui Monsieur » « avez vous visité son village un jour ? « Oui Monsieur » -« n’avez-vous pas soigné le pied d’une petite fille à un arrêt d’autobus ? « si Monsieur » -« savez vous qui est cette petite fille » ? « non Monsieur » – « c’est ma nièce Madame ». Tenez Madame voici votre permis de travail que je suis très heureux de vous remettre.
Dans les années qui vont suivre, je reverrai cet homme plusieurs fois, je ferai tout pour ivoiriser les postes de ma nouvelle société à chaque fois que cela sera possible et lorsque je rentrerai définitivement en France, je recevrai sa fille chez moi 15 jours, lors de vacances qui lui seront offertes par son père pour avoir décroché son baccalauréat.
J’ai pris mes fonctions dans une société qui existe depuis deux ans et qui installe l’eau potable dans les villages et épurent celle qui y est déjà. Il s’agit d’un marché de 3 milliards entre la France et la Côte d’ivoire. Elle se compose d’un directeur commercial Monsieur le Blond, d’un directeur technique qui hélas se tuera en voiture quelques temps après et d’une dizaine de techniciens chargés chacun d’un chantier en brousse plus où moins important.(vous rappelez –vous de Monsieur Chrétien et des tables qui tournent ?)
Et moi dans tout cela, je nage complètement car la Société Lorémont n’a pas de passé. Elle n’a jamais eu de secrétaire et ce sont les épouses des techniciens qui, de temps en temps, ont payé les factures, établi les salaires sans aucun classement à tel point que je retrouverai des souches de carnets de paies derrière le frigo. Alors je vais prendre mon courage à deux mains, travailler, semaine et dimanche, jour et nuit parfois pour essayer de reconstituer l’histoire de ces deux années.et créer une certaine forme de comptabilité (merci Monsieur Sautret)et je ne comprendrai jamais comment la société a pu survivre si longtemps sans colonne vertébrale.
Mais plus que tout, ce job sera celui que je ne retrouverai jamais et qui me permettra de mesurer mon savoir et mes limites car en dehors de la partie technique je suis responsable de tout : du personnel, des fournisseurs, de l’import-export, du renouvellement des contrats des expatriés, de l’embauche du personnel local des affaires de prud’homme etc…..
Durant deux années, je vais œuvrer au mieux, mon patron ravi d’être débarrassé de toute responsabilité autres que les siennes propres, me récompense sans cesse : à un salaire déjà très conséquent, on me loge dans une villa et je n ‘ai donc plus de loyer à payer. Plus tard on prend en charge mes boy et gardien, donc plus de salaire déduit de mon traitement, plus tard encore j’aurai droit à une voiture de service ce qui me permettra de revendre la mienne.
Alors me direz-vous, pourquoi êtes vous partie de Côte d’Ivoire alors que tout marchait si bien ? et c’est là que les esprits chagrins reparleront de mon masochisme, de mon côté loser, mais la raison est bien plus profonde que toutes ces considérations purement matérielles.
Deux choses vont m’amener à réfléchir sur la raison de ma présence en Afrique : la première est toute bête : quand je suis arrivée en 1973 et que par hasard je tombais en panne sur la route, il y avait au moins 10 africains qui se précipîtaient vers moi et me disaient : « tu veux qu’on t’aide Madame ? ». En 1979 ils n’étaient plus que 2 à s’approcher de ma voiture pour me demander : « combien tu donnes pour qu’on t’aide Madame » ce qui veut dire que la corruption qui avait toujours existé, mais dans les classes supérieures, était descendue dans la rue et touchait chaque citoyen.
La deuxième raison est plus difficile à expliquer mais bien plus laide aussi que la première ……
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